CAA de DOUAI, 1re chambre - formation à 3 (bis), 26/06/2014, 13DA00576, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu, I, sous le n° 13DA00576, la requête enregistrée le 17 avril 2013, présentée pour la commune de Saint-Aubin-en-Bray, représentée par son maire en exercice, par Me A...E...;

La commune de Saint-Aubin-en-Bray demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101206 du 19 février 2013 par lequel le tribunal administratif d'Amiens, à la demande de M. et Mme K...G..., M. et Mme C...B..., M. et Mme H...I..., Mme O...M...et M. D...F..., a annulé les deux arrêtés du 16 décembre 2010 par lesquels le maire a accordé à l'EARL Verschuere des permis de construire deux bâtiments agricoles sur le territoire de la commune ;

2°) de rejeter la demande de M. et Mme G...et autres ;

3°) de mettre à la charge de M. et MmeG..., M. et MmeB..., M. et MmeI..., MmeM..., Mme L...et M. F...la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu, II, sous le n° 13DA00615, la requête enregistrée le 22 avril 2013, présentée pour l'EARL Verschuere, dont le siège est 5 rue de la Mare à Saint-Aubin-en-Bray (60650), par Me N... de la Royère ;

L'EARL Verschuere demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101206 du 19 février 2013 par lequel le tribunal administratif d'Amiens, à la demande de M. et Mme K...G..., M. et Mme C...B..., M. et Mme H...I..., Mme O...M..., Mme J...L...et M. D...F..., a annulé les deux arrêtés du 16 décembre 2010 par lesquels le maire de la commune de Saint-Aubin-en-Bray lui a accordé des permis de construire deux bâtiments agricoles sur le territoire de la commune ;

2°) de rejeter la demande de M. et Mme G...et autres ;

3°) de mettre à la charge de M. et MmeG..., M. et MmeB..., M. et MmeI..., MmeM..., Mme L...et M. F...chacun la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hubert Delesalle, rapporteur public,

- et les observations de Me Sophie Lapprand, avocat de la commune de Saint-Aubin-en-Bray, et de Me Bruno Paviot, avocat de M. et Mme G...et autres ;


Sur la jonction :

1. Considérant que les requêtes de la commune de Saint-Aubin-en-Bray et de l'EARL Verschuere sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;


Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'il ressort du jugement dont il est fait appel, que le tribunal administratif d'Amiens, avant de prononcer l'annulation des décisions attaquées, s'est borné à écarter la fin de non-recevoir opposée par la commune de Saint-Aubin-en-Bray qui était tirée de la violation des dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ; qu'en revanche, il a omis de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée sur le même fondement mais dans des termes différents par l'EARL Verschuere, bénéficiaire des permis attaqués, ainsi que sur les deux autres fins de non-recevoir qu'elle avait présentées et qui étaient tirées de l'absence d'intérêt à agir des auteurs de la demande formée devant le tribunal ainsi que de la tardiveté de celle-ci ; que, par suite et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre irrégularité du jugement relevée par la commune, cette décision, qui a été rendue de manière irrégulière, doit être annulée ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme G...et autres devant le tribunal administratif d'Amiens ;


Sur la recevabilité de la demande de première instance :

4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " En cas de (... ) recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir, (...) l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. (...) L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. / La notification du recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation est réputée accomplie à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux " ; qu'il ressort des pièces du dossier que la demande de M. et Mme G...et autres devant le tribunal administratif, enregistrée le 18 avril 2011, a été notifiée par le conseil des intéressés à la commune de Saint-Aubin-en-Bray et à l'EARL Verschuere le 20 avril suivant, dans les délais impartis par les dispositions précitées de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ; que, par suite, la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance de ces dispositions doit être écartée ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15. " ; qu'aux termes de l'article R. 424-15 du même code : " Mention du permis explicite (...) doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté (...) et pendant toute la durée du chantier. (...) " ;

6. Considérant que, s'il ressort des pièces du dossier et notamment du constat d'huissier établi le 22 février 2011 que les deux permis de construire accordés le 16 décembre 2010 à l'EARL Verschuere par le maire de la commune de Saint-Aubin-en-Bray étaient affichés à cette date sur le terrain devant faire l'objet des travaux en litige, en limite de voie publique, la continuité de cet affichage pendant une période de deux mois à partir de cette date ne saurait être regardée comme établie par la production de trois attestations rédigées plusieurs mois plus tard, qui sont au demeurant insuffisamment précises quant au contenu de cet affichage, et dont l'une émane d'une locataire de l'EARL Verchuere ; que, par suite, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande doit, en tout état de cause, être écartée ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'ensemble des intéressés résident à moins de 100 mètres du projet en litige portant sur la construction de deux bâtiments agricoles d'une surface hors oeuvre brute (SHOB) respective de 1 257 et 1 550 m² et d'une hauteur de plus de 8 mètres ; que, par suite, compte tenu de la configuration des lieux ainsi que de la distance séparant ces deux constructions des propriétés de M. et Mme G...et autres, ces derniers justifient, dans les circonstances de l'espèce, d'un intérêt suffisant pour contester les permis en litige ;


Sur l'intervention de MmeL... :

8. Considérant que Mme L...a intérêt à l'annulation des décisions attaquées ; qu'ainsi son intervention est recevable ;


Sur la légalité des arrêtés du 16 décembre 2010 :

9. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations " ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par les deux arrêtés en litige, le maire de la commune de Saint-Aubin-en-Bray a accordé à l'EARL Verschuere deux permis de construire un hangar agricole d'une SHOB de 1 257 m² et un bâtiment comprenant une stabulation libre en aire paillée, une salle de traite et une laiterie d'une SHOB de 1 550 m², dans le cadre, d'une part, de l'augmentation du bétail, pour atteindre une capacité maximale de quatre-vingt vaches laitières, quatre-vingt-seize génisses, soixante-dix bovins d'engraissement et quinze veaux, ainsi que, d'autre part, du remplacement des bâtiments agricoles existants destinés à stocker des matériels ; qu'un rapport établi le 27 mars 2009 par l'inspecteur des installations classées a recensé huit immeubles d'habitations à moins de 50 mètres de ces nouveaux bâtiments, quatorze à une distance allant de 50 à 100 mètres du hangar de stabulation et onze à la même distance de la salle de traite ; que l'EARL Verschuere a déclaré, le 2 février 2009, dans le document intitulé " notice d'impact - fiche élevage et environnement ", que le projet devrait conduire au doublement du volume annuel de déjections solides et d'effluents liquides ; que, compte tenu notamment de l'augmentation du troupeau et du rapprochement ainsi que de la proximité immédiate des bâtiments d'élevage des propriétés voisines, les constructions projetées vont nécessairement entraîner un renforcement des nuisances acoustiques et olfactives en résultant ; que, d'ailleurs, le règlement sanitaire du département de l'Oise impose une distance minimale de 50 mètres entre notamment les élevages bovins et les habitations ; que, dans les circonstances de l'espèce, les permis de construire sont, dès lors, de nature à porter atteinte à la salubrité publique au sens des dispositions précitées du code de l'urbanisme ; que, par suite et alors même que le préfet de l'Oise a autorisé une dérogation de distance à l'EARL Verschuere au titre de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, le maire de la commune de Saint-Aubin-en-Bray a entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en accordant les permis de construire en litige à proximité immédiate des propriétés des requérants ;

11. Considérant que, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, en l'état du dossier, aucun autre moyen n'est susceptible d'entraîner l'annulation des décisions attaquées ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme G...sont fondés à demander l'annulation des arrêtés du 16 décembre 2010 par lesquels le maire de Saint-Aubin-en-Bray a accordé à l'EARL Verschuere deux permis de construire des bâtiments agricoles ;


Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et Mme G...et autres, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, les sommes demandées par la commune de Saint-Aubin-en-Bray et l'EARL Verschuere, au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de la commune de Saint-Aubin-en-Bray et de l'EARL Verschuere une somme globale de 1 500 euros au même titre ;

14. Considérant que MmeL..., intervenant volontaire devant le tribunal administratif d'Amiens, n'étant pas partie à l'instance devant la cour, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Aubin-en-Bray et de l'EARL Verschuere la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;



DÉCIDE :



Article 1er : Le jugement du 19 février 2013 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.


Article 2 : L'intervention de Mme L...devant le tribunal administratif d'Amiens est admise.


Article 3 : Les arrêtés du 16 décembre 2010 du maire de la commune de Saint-Aubin-en-Bray sont annulés.


Article 4 : La commune de Saint-Aubin-en-Bray et l'EARL Verschuere verseront solidairement à M. et MmeG..., M. et MmeB..., M. et MmeI..., Mme M...et M. F... une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Aubin-en-Bray, l'EARL Verschuere et Mme L...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.


Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Aubin-en-Bray, à l'EARL Verschuere, à M. et Mme K...G..., à M. et Mme C...B..., à M. et Mme H...I..., à Mme O...M..., à M. D...F...et à Mme J...L....

Copie sera adressée au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Beauvais en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.

Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Oise.

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Nos13DA00576,13DA00615 2



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