Cour Administrative d'Appel de Nantes, 3ème Chambre, 15/05/2014, 13NT01655, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 10 juin 2013, présentée pour Mme B... A..., demeurant..., par Me Debuys, avocat au barreau de Caen ; Mme A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 12-907 en date du 5 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du responsable du GRETA Sud Normandie portant refus de modifier les dispositions du règlement intérieur relatives aux stagiaires de la formation continue ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) d'enjoindre au responsable du GRETA Sud Normandie de procéder aux modifications du règlement intérieur applicable aux stagiaires de la formation continue afin qu'il soit mis en conformité avec les recommandations de la Halde telles qu'elle figurent dans sa délibération du 21 mars 2011, et ce dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article
L. 761 -1 du code de justice administrative ainsi que la contribution à l'aide juridique ;

Elle soutient que :

- les dispositions du règlement intérieur du GRETA Sud Normandie sont entachées d'une erreur de droit en ce qu'elles conduisent à appliquer à des personnes qui ne sont pas élèves d'un établissement scolaire public l'interdiction de port de tout signe ostensible d'appartenance religieuse, prévue à l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation, qui, d'interprétation stricte, ne s'applique qu'aux seuls élèves d'écoles, collèges et lycées publics ;
- les dispositions du règlement intérieur litigieux sont illégales en ce qu'elles prévoient que le port de tout signe ostensible d'appartenance religieuse est formellement interdit quel que soit le lieu de formation ;

- les dispositions de ce règlement intérieur méconnaissent l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que le principe de non-discrimination religieuse consacrée par la directive européenne 2000/78/CE en date du 27 novembre 2000 transposée aux articles 1 et 2 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2013, présenté par le ministère de l'éducation nationale qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- à titre principal, la demande de première instance présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Caen était irrecevable car dépourvue d'objet ;

- à titre subsidiaire, les dispositions contestées du règlement intérieur ne sont pas entachées d'erreur de droit, ne portent pas une atteinte excessive à la liberté d'opinion et de religion, et ne méconnaissent pas les stipulations des articles 9 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 11 avril 2014, présenté pour Mme A... qui tend aux mêmes fins par les mêmes moyens que sa requête ;

Mme A... soutient, en outre, que la délibération du 27 avril 2010 qui remplace une interdiction pure et simple quel que soit le lieu de formation par une mesure d'interdiction dès lors que la formation est organisée au sein d'un établissement scolaire durant les heures d'ouverture méconnait tout autant les termes de la délibération rendue par la Halde ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'éducation ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 avril 2014 :

- le rapport de M. Coiffet, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;




1. Considérant que Mme A... relève appel du jugement du 5 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté au fond sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du président du conseil inter-établissement du GRETA Sud Normandie portant refus de modifier les dispositions de son règlement intérieur relatives aux stagiaires de la formation continue ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier que Mme A... a demandé en avril 2009 à suivre, en qualité de stagiaire de la formation continue, une formation dispensée par le GRETA Sud Normandie, lequel regroupe 45 établissements scolaires publics ; que, Mme A... portant un voile pour motifs religieux, il lui a été proposé le 19 mai 2009 de suivre la formation qu'elle sollicitait au sein des locaux de la chambre de commerce et d'industrie et non dans un établissement scolaire et ce, en application du règlement intérieur du GRETA, alors en vigueur, qui disposait qu'en " application du principe de laïcité, le port de tout signe ostensible d'appartenance religieuse est formellement interdit, quel que soit le lieu de formation. L'inscription au GRETA résultant du libre choix du stagiaire, les candidats informés des dispositions du règlement intérieur devront renoncer à leur inscription s'ils ne souhaitent pas se plier à cette interdiction y prévalant. " ; que, par un courrier du 7 octobre 2011, l'inscription de l'intéressée aux " journées de l'informatique " organisée par le GRETA Sud Normandie à l'antenne de Flers, située à proximité de son domicile, a été refusée au profit d'une formation organisée dans les locaux de Vire, non situés dans l'enceinte d'un établissement scolaire ; que l'intéressée, qui n'a pas contesté cette décision, avait, entre-temps, saisi la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) aux fins qu'elle se prononce sur " la légalité " du règlement intérieur du GRETA, en vigueur au 19 mai 2009 ; que, par une délibération du 21 mars 2011, cette autorité a recommandé au conseil inter-établissement du GRETA Sud-Normandie de modifier le règlement intérieur incriminé ; que, par un courrier du 23 décembre 2011, Mme A... a alors demandé la modification du règlement intérieur applicable aux stagiaires de la formation du GRETA Sud-Normandie dont il lui avait été fait application à la date du 19 mai 2009, en tant qu'il concernait le port de signes religieux par les stagiaires, pour le mettre en conformité avec la recommandation précitée de la Halde ; qu'elle a saisi le 2 mai 2012 le tribunal de la décision implicite de rejet qui lui a été opposée ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier que, par une délibération du 27 avril 2010, le conseil inter-établissements du GRETA Sud Normandie a décidé d'abroger le paragraphe contesté du règlement intérieur alors en vigueur au sein du groupement et dont, ainsi qu'il a été rappelé au point précédent, il avait été fait une application à Mme A... le 19 mai 2009 ; qu'un nouveau paragraphe de ce règlement intérieur a été adopté par la même délibération, limitant l'interdiction du port par les stagiaires de la formation continue aux seuls cas où les formations dispensées par le GRETA se déroulent dans les locaux scolaires publics aux mêmes heures que les formations initiales dispensées aux élèves du second degré ; qu'ainsi, à la date du 2 mai 2012 à laquelle Mme A... a saisi le tribunal administratif d'une demande dirigée contre le refus implicite opposé par le responsable du GRETA Sud Normandie à sa demande formulée le 23 décembre 2011, de même d'ailleurs que dès cette dernière date, le paragraphe incriminé, objet de sa contestation administrative et contentieuse, avait été abrogé en totalité et avait disparu de l'ordonnancement juridique ; qu'il s'ensuit que la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif était dépourvue d'objet et, par suite, irrecevable ; qu'elle ne pouvait, dès lors, qu'être rejetée ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;


Sur l'application des dispositions des articles L.761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

5. Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande présentée par Mme A... au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;


DÉCIDE :


Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Une copie en sera transmise au GRETA Sud Normandie.



Délibéré après l'audience du 17 avril 2014, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 mai 2014.

Le rapporteur,
O. COIFFET Le président,





I. PERROT
Le greffier,





A. MAUGENDRE

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.


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N° 13NT016552



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