Cour Administrative d'Appel de Paris, 6ème Chambre, 05/10/2009, 06PA01430, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 21 avril 2006, présentée pour M. Jean-Pierre A, demeurant ..., par Me Wabant ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0401381/5 en date du 24 janvier 2006 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 octobre 2003 par laquelle le ministre de l'équipement, du logement et des transports a mis fin à son contrat à compter du 30 janvier 2004 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) d'ordonner sa réintégration dans ses fonctions ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.....................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'aviation civile ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004, modifiée ;

Vu le décret n° 61-776 du 21 juillet 1961 modifié ;

Vu le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions applicables aux agents non titulaires de l'Etat pris pour l'application de l'article 7 de la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu le décret n° 2005-215 du 4 mars 2005 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 septembre 2009 :

- le rapport de M. Piot, rapporteur,

- les conclusions de Mme Dely, rapporteur public,

- et les observations de Me Wabant, pour M. A, de Me Chéneau, de la SCP Chéneau et Puybasset, pour la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), et de Me Pichon pour le ministre d'Etat, de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire ;

Considérant que M. A a, le 1er avril 1989, été recruté comme agent contractuel de la direction générale de l'aviation civile au ministère de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, en qualité de pilote instructeur de catégorie II ; qu'ayant été victime en 1990 d'une otite barotraumatique imputable au service, il a, en 1994, été reconnu apte à ses fonctions de pilote instructeur, sous réserve de ne voler que sur avions pressurisés ; qu'à partir de 1995, il a été affecté à des fonctions d'instructeur au sol, sans fonction de pilotage ; que la décision par laquelle l'administration lui a, le 31 mars 1997 indiqué qu'elle ne pouvait exclusivement l'affecter sur des avions pressurisés a été annulée par un jugement du Tribunal administratif de Melun en date du 19 octobre 2000, au motif que le service ne pouvait l'affecter en qualité d'instructeur au sol sans avoir préalablement examiné la possibilité d'une affectation pour des missions de pilotage ou de co-pilotage sur des avions pressurisés ; que l'aptitude physique de M. A à voler sur avions pressurisés avait, le
31 octobre 2001, été reconnue médicalement ; que toutefois l'affectation de l'intéressé sur des avions pressurisés nécessitait qu'il renouvelle ses qualifications professionnelles de pilote devenues caduques depuis 1996 ; qu'eu égard aux résultats des contrôles de connaissances subis par l'intéressé inférieurs à ceux requis par la réglementation, le ministre des transports a, le
15 octobre 2003, mis fin à son engagement contractuel de l'intéressé ; que M. A fait appel du jugement en date du 24 janvier 2006 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté rejetant sa demande d'annulation de ladite décision ;

Sur l'intervention de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité :

Considérant que la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité a intérêt à l'annulation de la décision attaquée ; qu'ainsi, son intervention est recevable ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que le jugement attaqué a répondu à l'ensemble des moyens présentés par M. A et notamment à ceux développés dans son mémoire enregistré le 6 janvier 2006 par le Tribunal administratif de Melun ; que, par suite, ledit jugement n'est entaché d'aucune omission à statuer de nature à entraîner son annulation ;

Sur le fond :

Sur la légalité externe :

Considérant qu'en vertu de l'article 9 du décret du 21 juillet 1961 susvisé, relatif aux dispositions statutaires applicables au personnel navigant de la formation aéronautique, du travail aérien et des transports, l'engagement des agents régis par ce statut peut être résilié dans les conditions fixées par le décret du 22 juin 1972, relatif au licenciement des agents civils non fonctionnaires des administrations de l'Etat ; que les dispositions du décret du 17 janvier 1986, relatif aux agents non titulaires de l'Etat, se sont substituées, sur ce point, à celles du décret du 22 juin 1972 ; que les conditions de licenciement déterminées par le décret du 17 janvier 1986 sont, dès lors, applicables au personnel navigant de la formation aéronautique, du travail aérien et des transports ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait irrégulière en ce qu'elle vise le décret du 17 janvier 1986 et non les dispositions du code de l'aviation civile, doit être écarté ;

Sur la légalité interne :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'aviation civile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2001-43 du 16 janvier 2001 : Le commandant, les pilotes, les mécaniciens et toute personne faisant partie du personnel chargé de la conduite d'un aéronef doivent être pourvus de titres aéronautiques et de qualifications dans des conditions déterminées par arrêté du ministre chargé de l'aviation civile et le cas échéant du ministre de la défense/ Les titres aéronautiques désignés sous l'appellation de brevets, licences ou certificats attestent l'acquisition de connaissances générales théoriques et pratiques et ouvrent le droit à leurs titulaires de remplir les fonctions correspondantes, sous réserve, le cas échéant, de la possession des qualifications propres à un type d'appareil, à un équipement ou aux conditions de vol et de l'aptitude médicale requise correspondante. ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, depuis 2002, le requérant a, à trois reprises, été admis à se présenter à des tests d'évaluation de ses connaissances théoriques et pratiques ; qu'il a, dans tous les cas, démontré un niveau de connaissances insuffisant ; que s'il soutient que dès lors que les tests n'étaient pas satisfaisants, il appartenait à la DGAC de lui proposer un stage de remise à niveau et qu'elle ne pouvait le licencier au seul motif qu'il ne justifiait plus des qualifications attachées à la licence de pilote professionnel d'avion, il ressort des pièces du dossier que les qualifications attachées à la licence de pilote professionnel de M. A n'étaient plus valides depuis le 30 septembre 1996 ; que , par suite, le requérant ne saurait valablement soutenir que l'administration ne pouvait prendre sa décision sans lui avoir au préalable permis d'obtenir les qualifications manquantes ;

Considérant, en deuxième lieu, qu' en vertu des dispositions de l'article D 421-6 du code de l'aviation civile, une suspension des registres du personnel navigant n'est prévue, dans le cas où l'arrêt d'activité résulte d'un accident du travail ou d'une maladie due à l'exercice de la profession ; que si le requérant soutient que le 18 septembre 2003, date à laquelle la procédure relative à son licenciement a été mise en oeuvre à son encontre et à laquelle il a été invité à prendre connaissance de son dossier, il était en position de congé pour maladie professionnelle dès lors qu'il suivait une cure thermale faisant suite à l'accident de travail qui se terminait le
25 septembre et qu'il y a lieu de se placer à la date du18 septembre 2003 pour apprécier s'il était en suspension de son contrat de travail, il ressort des pièces du dossier et notamment des visas de la décision attaquée, qu'il a, par lettre du 29 septembre 2003, fait connaître ses observations sur la mesure envisagée à son encontre et qu'il a pris connaissance de son dossier le 10 octobre 2003, qu'ainsi, la mesure litigieuse n'a pris effet que le 15 octobre 2003, date à laquelle elle a été effectivement prononcée et à laquelle le requérant n'était pas en période de suspension de son contrat de travail ; qu'ainsi, il n'établit pas s'être trouvé, à la date de la décision attaquée, en position de congé pour maladie professionnelle ;

Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce qu'il soutient, le requérant n'était pas soumis aux dispositions spécifiques du code du travail relatives aux salariés protégés ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'en raison de son statut de représentant du personnel, la décision attaquée ne pouvait intervenir qu'après consultation d'un comité consultatif paritaire et saisine de l'inspecteur du travail, est inopérant à l'encontre de la décision attaquée ;

Considérant, enfin, que si le requérant soutient qu'il aurait fait l'objet d'une discrimination de la part de l'administration depuis de nombreuses années, il ne l'établit aucunement ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions de M. A tendant à l'annulation de la décision attaquée n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions susmentionnées du requérant tendant à sa réintégration dans ses fonctions ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, par application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de M. A la somme demandée par l'Etat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;


D E C I D E :
Article 1er : L'intervention de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité est admise.

Article 2 : La requête de M. A est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de l'Etat tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

''
''
''
''
5
N° 06PA01430



Retourner en haut de la page