Cour administrative d'appel de Marseille, 2e chambre, du 10 octobre 2000, 99MA01807, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, le 8 septembre 1999 sous le n° 99MA01087, présenté par le MINISTRE DE LA DEFENSE ;

Le MINISTRE DE LA DEFENSE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement, en date du 8 juillet 1999, pris dans l'instance n° 99-860, par lequel le Tribunal administratif de Nice, d'une part, a prononcé l'annulation de la décision n° 5548 du 22 décembre 1998 par laquelle le commandant de la gendarmerie maritime a maintenu la punition disciplinaire de 20 jours d'arrêts infligés à M. X... et, d'autre, part, a condamné l'Etat à verser à M. X... la somme de 5.000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le Tribunal administratif de Nice ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 ;

Vu le décret n° 75-675 du 28 juillet 1975 modifié par le décret n° 82-598 du 12 juillet 1982 ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Les parties avant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 septembre 2000 :

- le rapport de M. GONZALES, premier conseiller ;

- les observations de Me Z... pour M. X... ;

- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, que si la mention, dans le jugement attaqué, du nom du commissaire du gouvernement comporte une erreur, celle-ci a, toutefois, été rectifiée par ordonnance du président du Tribunal administratif de Nice en date du 15 juillet 1999 ; que le défaut de notification régulière de cette ordonnance au MINISTRE DE LA DEFENSE est sans incidence sur la validité de la régularisation ainsi opérée ; qu'ainsi, le MINISTRE DE LA DEFENSE ne peut se prévaloir de l'erreur matérielle ayant initialement affecté le jugement attaqué ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des énonciations du jugement attaqué que le raisonnement qui a conduit les premiers juges à censurer la punition infligée à M. Y... reposerait sur une interprétation partiale ou erronée des faits reprochés à l'intéressé et du contexte dans lequel ils sont intervenus, ni que l'appréciation du bien-fondé de cette punition, qui pouvait tenir compte des qualités professionnelles démontrées jusqu'alors par l'intéressé, reposerait sur des considérations juridiques dont l'examen ne relèverait pas de leur compétence ; qu'ainsi, le MINISTRE DE LA DEFENSE n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges auraient dénaturé les faits soumis à leur examen ni qu'ils auraient méconnu les règles d'exercice de leur mission de juges de l'excès de pouvoir ;

Considérant, en revanche, que, sauf disposition particulière prévue à cet effet, il n'appartient pas aux juridictions administratives de saisir le procureur de la République dans les conditions édictées à l'article 40-2° du code de procédure pénale ; qu'ainsi, le jugement attaqué est irrégulier en tant qu'il fait application de cet article et doit être annulé dans cette mesure ;

Sur le bien-fondé de l'annulation de la punition disciplinaire infligée à M. X... :

Considérant qu'aux termes de l'article 27 de la loi susvisée du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires : "Les fautes commises par les militaires les exposent : 1°) à des punitions disciplinaires qui sont fixées par le règlement de discipline générale dans les armées" ; qu'aux termes de l'article 21 du décret susvisé du 28 juillet 1975 portant règlement de discipline générale dans les armées, dans sa rédaction issue du décret susvisé du 12 juillet 1982, applicable au cas d'espèce : "Les punitions disciplinaires qui peuvent être infligées aux militaires sont les suivants... Pour les officiers et sous-officiers : avertissement, réprimande, arrêts, blâme ... ; les arrêts sanctionnent une faute grave ou très grave ou des fautes répétées de gravité moindre" ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'adjudant X... a signé un état récapitulatif erroné des frais de repas de sa brigade au titre du mois de septembre 1998, comportant l'attribution d'indemnités indues, en faveur des membres de cette brigade et de lui-même, pour un montant global de 1.875 F ; que cette circonstance lui a valu une punition disciplinaire de 20 jours d'arrêts ainsi motivée : "- Avoir un comportement en service susceptible de porter gravement atteinte au renom de l'armée. - Irrégularité dans la tenue de documents de service. - Avoir trompé la confiance de son chef" ;

Considérant que M. X... reconnaît l'erreur qui lui est reprochée mais soutient qu'elle est due à un manque d'attention de sa part dans la vérification des données qui lui avaient été fournies pour l'établissement de ce document ; que cette affirmation n'est pas sérieusement démentie par l'administration ; qu'aucune des pièces versées au dossier ne permet, par ailleurs, de supposer que cette erreur procéderait d'une intention frauduleuse ; que, dans ces conditions, si la négligence de l'intéressé a un caractère fautif, la sanction de 20 jours d'arrêts qui lui a été infligée de ce fait est disproportionnée par rapport à la faute commise ; qu'ainsi, le MINISTRE DE LA DEFENSE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a estimé que cette sanction était entachée d'erreur manifeste d'appréciation et l'a annulée pour ce motif ;

Sur les conclusions incidentes de M. X... :

Considérant que le passage de la requête du MINISTRE DE LA DEFENSE commençant pas les mots : "dans un considérant" et se terminant par les mots "dont il a fait preuve", ainsi que le passage de cette requête commençant par "tout cela démontre" et se terminant par "du jugement attaqué" ne présentent pas le caractère d'écrits injurieux ou diffamatoires ; qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit aux conclusions de M. X... tendant à la suppression de ces passages ;

Sur l'application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'allouer à M. X... la somme de 6.000 F à la charge de l'Etat, au titre de ses frais de procédure ; que le surplus des conclusions de M. X..., présentées à ce titre, doit être rejeté ;
Article 1er : L'article 3 du jugement susvisé du Tribunal administratif de Nice, en date du 8 juillet 1999, est annulé en tant qu'il fait application de l'article 40-2° du code de procédure pénale.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du MINISTRE DE LA DEFENSE est rejeté.
Article 3 : Les conclusions incidentes de M. X... sont rejetées.
Article 4 : L'Etat versera à M. X... la somme de 6.000 F (six mille francs) en application de l'article L. 9-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE LA DEFENSE et à M. X.... Copie en sera, en outre, adressée au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Toulon et au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Marseille.
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