CAA de LYON, 2ème chambre - formation à 3, 01/12/2015, 14LY00969, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Messieurs E...et B...ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de leur accorder la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont a été assujettis au titre des années 2009 et 2010 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1300125 du 23 janvier 2014, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 mars 2014, et un mémoire, enregistré le 3 novembre 2015, M. E...et M.B..., représentés par Me F...demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, en date du 23 janvier 2014 ;
2°) de leur accorder la décharge des impositions contestées restant à leur charge et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

Concernant les frais de double résidence :

- leur résidence principale est située château de l'Epine à Agonges (03) où se situent leurs intérêts matériels et les intérêts professionnels de M. B...et à ce titre M.E..., qui exerce son activité professionnelle à Paris, est en droit de déduire au titre des frais professionnels des salariés, les frais de double résidence ;
- ces frais de double résidence sont justifiés dès lors que le château classé monument historique est ouvert au public du 1er avril au 31 octobre ce qui contraint M. B...à y résider pour assurer, d'une part, le gardiennage et l'ouverture du château et, d'autre part, tenter de développer l'activité restauration ;
- ils entendent se prévaloir des dispositions des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales du fait que l'administration a pris une position formelle à cet égard dans le cadre d'une précédente proposition de rectification datée du 7 septembre 2006, en ayant admis les frais de double résidence pour l'année 2004, sans que cette possibilité soit limitée à une seule année.

Concernant les revenus fonciers :

- ils n'ont pas à comprendre dans leurs recettes les loyers non encaissés en 2009 et 2010, la société locataire, en l'absence d'activité hormis pour le mois de juillet 2009, étant dans l'impossibilité d'acquitter lesdits loyers ;
- l'administration n'établit pas l'existence d'une renonciation aux loyers ;
- qu'il est contradictoire pour l'administration de soutenir que M. B...n'exerçait plus d'activité professionnelle à compter du mois d'août 2009 et de conclure qu'il aurait consenti une libéralité en ne réclamant pas les loyers dus ; qu'il est manifeste qu'en l'absence d'activité, la société n'était pas à même de régler les loyers.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juin 2014, le Ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête en faisant valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Terrade,
- et les conclusions de M.A....
1. Considérant qu'à la suite d'un contrôle sur pièces, M. E...et M.B..., unis par un pacte civil de solidarité depuis 2001, ont été assujettis à des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, notifiés selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, résultant de la remise en cause de frais de double résidence et de rehaussements en matière de revenus fonciers ; que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités y afférentes ; que M. E...et M. B...relèvent appel de ce jugement ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne les frais de double résidence :

2. Considérant que les requérants soutiennent que leur résidence principale se situe au château de l'Epine à Agonges (03120), ce bien constituant leur seul bien immobilier commun où se situent par conséquent leurs intérêts matériels et le centre des intérêts professionnels de M. B... lequel exerçait les fonctions de gérant de la société de droit britannique SFCL limited constituée par les requérants, cette société ayant ouvert son établissement en France en prenant à bail commercial une partie dudit château en vue de l'exploitation saisonnière d'un restaurant sous l'enseigne " Auberge de l'Epine " ; qu'ils soutiennent que M.E..., qui exerce son activité professionnelle de neurochirurgien au sein du Groupe hospitalier Pitié-Salpétrière à Paris, est par suite en droit de déduire les frais de double résidence constitués par la location d'un appartement de 5 pièces d'une superficie de 143 m² à Paris 10ème, et les frais de déplacement entre son lieu de travail à Paris et la résidence de leur foyer dans l'Allier ;

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 83 du code général des impôts, relatif à l'imposition des traitements et salaires : " Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés : (...) 3° Les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales. La déduction à effectuer du chef des frais professionnels est calculée forfaitairement en fonction du revenu brut (...) ; elle est fixée à 10 % du montant de ce revenu. (...) Les bénéficiaires de traitements et salaires sont également admis à justifier du montant de leurs frais réels (...). Les frais de déplacement de moins de quarante kilomètres entre le domicile et le lieu de travail sont admis, sur justificatifs, au titre des frais professionnels réels. Lorsque la distance est supérieure, la déduction admise porte sur les quarante premiers kilomètres, sauf circonstances particulières notamment liées à l'emploi justifiant une prise en compte complète " ; que revêtent le caractère de frais professionnels déductibles les dépenses qu'un contribuable occupant un emploi salarié dans une localité éloignée de celle où la résidence de son foyer est établie doit exposer, tant pour se loger à proximité du lieu de son travail que pour effectuer périodiquement les trajets entre l'une et l'autre localités, dès lors que la double résidence ne résulte pas d'un choix de simple convenance personnelle, mais est justifiée par une circonstance particulière ; que constitue une telle circonstance l'exercice par le conjoint de ce contribuable, ou le partenaire avec lequel il a conclu un pacte civil de solidarité, ou la personne avec laquelle il entretient un lien de concubinage stable et continu, d'une activité professionnelle en un lieu proche de la résidence commune ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le centre des intérêts professionnels de M. E...se situe à Paris où il exerce à temps plein la profession de neurochirurgien en tant que salarié et à titre libéral ; qu'il ressort des déclarations fiscales en matière de taxe sur la valeur ajoutée que la société SFCL ltd dont M. B...assurait la gérance n'a, durant la période contrôlée, déposé de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée que pour le mois de juillet 2009 pour un montant de chiffre d'affaires hors taxe de 4 186 euros, le restaurant étant fermé par la suite et la société en sommeil étant finalement radiée le 5 mai 2011 ; qu'il est constant que M. B... n'a déclaré aucun revenu au titre des années litigieuses ; que, par ailleurs, si les requérants soutiennent que M. B...assurait l'ouverture au public du château du 1er avril au 31 octobre, une telle ouverture effectuée à titre gratuit et de manière saisonnière ne permet pas de considérer que M. B...exerçait une activité professionnelle ; que dès lors M. B...ne justifie pas d'une activité professionnelle ayant nécessité une résidence commune dans le château, laquelle répond ainsi à de simples convenances personnelles ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à contester la remise en cause de la déduction des frais de double résidence de M. E...portés sur leurs déclarations communes de revenus au titre des années 2009 et 2010 ;

S'agissant du bénéfice de l'interprétation de la loi fiscale :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal. " ; que si, au titre de l'année 2004, au cours de laquelle M. B...a débuté l'activité du restaurant " Auberge de l'Epine ", l'administration a admis la déduction des frais de double résidence, il résulte de ce qui a été dit précédemment que celui-ci n'a exercé aucune activité professionnelle au cours des années en litige ; que, par suite, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir sur le fondement des dispositions précitées des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales d'une position prise par l'administration concernant la seule année 2004 ;
En ce qui concerne les droits relatifs aux revenus fonciers :

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que les requérants ont mis en location à compter du 1er août 2004, par un bail commercial consenti à la société SFCL ltd dont ils sont les seuls associés, une partie du château de l'Epine, d'une superficie de 250 m2, pour l'exploitation d'un restaurant à l'enseigne " Auberge de l'Epine ", moyennant un loyer mensuel de 800 euros pendant une période de 5 mois par an ; que, toutefois, l'administration expose sans être démentie que les propriétaires n'ont déposé au titre des années litigieuses aucune déclaration de revenus fonciers ;

7. Considérant que les requérants soutiennent qu'ils n'ont pas à comprendre dans leurs recettes les loyers non encaissés ; que toutefois, s'ils se prévalent de l'absence de versement par la société locataire des loyers exigibles au motif que celle-ci était dans l'impossibilité de les acquitter faute d'activité, ils ne justifient ni même n'allèguent avoir entrepris aucune action en vue de recouvrer les loyers dus et n'établissent pas cette impossibilité de versement alors que la société SFCL ltd a déclaré en matière de taxe sur la valeur ajoutée un chiffre d'affaires de 4 186 euros en juillet 2009 ; qu'ils ne justifient pas davantage, ni même n'allèguent que la renonciation au versement de ces loyers répondaient à leur intérêt ; que, dans ces conditions, l'administration fiscale a pu, à bon droit, regarder cet abandon de recettes au profit de la société SFCL ltd comme procédant d'un acte de disposition et réintégrer les sommes correspondantes dans les recettes servant à la détermination des revenus fonciers des années 2009 et 2010 ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. E...et M. B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à M. E...et M. B...une somme au titre des frais exposés en cours d'instance et non compris dans les dépens ;



DECIDE :

Article 1er : La requête de M. E...et M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...E...et M. C...B...et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2015 à laquelle siégeaient :
Mme Mear, président,
Mme Terrade, premier conseiller,
Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er décembre 2015.
''
''
''
''
2
N° 14LY00969
gt



Retourner en haut de la page